Emmanuel Macron et Elisabeth Borne doivent ressentir un profond sentiment d’injustice : les Français ne se rendent pas assez compte que sans le bouclier tarifaire sur l’électricité qui va bloquer la hausse des prix à +15 % à compter du 1er février, les factures des particuliers exploseraient. Idem pour le gaz dont le bouclier est en place depuis le 1er janvier pour, là aussi, limiter la hausse des tarifs régulés à +15 %.
En septembre, lors d’une conférence de presse sur la situation énergétique du pays, Elisabeth Borne était pourtant revenue sur l’impact des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité mis en place en 2022. Graphiques à l’appui, la Première ministre montrait que nos voisins payaient bien plus cher leurs factures que nous : 2,5 fois plus en Belgique, 2,7 en Allemagne et aux Pays-Bas pour l’électricité ; 1,5 fois plus en Belgique, 3 en Allemagne et 3,1 fois plus aux Pays-Bas pour le gaz !
Las ! Dans un contexte d’une inflation galopante, particulièrement dans l’alimentaire, les Français sont peu sensibles à ces comparaisons européennes aussi fondées soient-elles : seul compte pour eux – et c’est bien compréhensible – l’impact que va avoir sur leur budget cette hausse de 15 % des factures de l’électricité. 15 %… ou plus. Car le bouclier tarifaire n’offrira pas la même protection à tous : en fonction des types de contrats souscrits, des options et des fournisseurs, les hausses pourraient dépasser les 15 %.
À l’inquiétude des particuliers répond aussi celle des entreprises dont les situations sont encore plus diverses. Si 1,5 million de TPE de moins de 10 salariés bénéficient du même bouclier tarifaire que les particuliers, d’autres ne sont éligibles qu’à un « amortisseur électricité » et de nombreux artisans dont les boulangers se retrouvent aujourd’hui toujours étranglés par des factures exorbitantes… Pour l’heure, le gouvernement – qui espérait sortir du « quoi qu’il en coûte » inauguré par la crise du Covid-19 – se démultiplie et sort le carnet de chèques. L’ensemble des mesures en faveur des entreprises, des associations, des collectivités et des établissements publics représente près de 12 milliards d’euros. Un effort de solidarité que font aussi à des degrés divers nos voisins européens. Mais un effort qui ne sera utile pour l’avenir que si les Européens s’attaquent radicalement à la refonte complète du marché de l’énergie aujourd’hui caduc.
Cette remise à plat, qui doit assurer à la fois une énergie abordable, la souveraineté de l’UE et la réussite de sa transition énergétique, est un immense défi. L’ouverture à la concurrence, le couplage des prix du gaz et de l’électricité, le subventionnement des énergies renouvelables ou encore le mécanisme complexe du marché du CO2… : autant de chapitres à réformer, voire à réécrire sans dogmatisme, en tenant compte de la diversité des mix énergétiques et des priorités de chacun des 27 États membres. Une vraie gageure qui mettra à rude épreuve la solidarité européenne, mais aussi l’opportunité de concevoir un nouveau modèle énergétique plus robuste au service des Européens.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 25 janvier 2023).