Le changement dans la continuité. Tel était peu ou prou la promesse très giscardienne d’Emmanuel Macon lorsqu’il s’est déclaré candidat à sa succession pour un second mandat présidentiel. Mais depuis sa réélection à l’Elysée, il y a tout au contraire une discontinuité profonde entre la philosophie qui a porté sa candidature en 2017 et sa pratique du pouvoir depuis mai 2022.
En 2017, le candidat Macron voulait libérer puis protéger les Français en mettant l’accent sur l’émancipation individuelle, meilleur gage, selon lui, pour lutter contre les assignations à résidence sociales et remettre en marche un pays présenté comme divisé et ankylosé avec un taux de chômage encore trop important. Le premier quinquennat fut ainsi marqué par des réformes du marché du travail, une réduction des prestations chômage, et une réforme des retraites à points systémique qui s’est fracassée ensuite sur la crise du Covid. En 2022, après avoir mis en place d’importantes mesures d’aide (le fameux « quoi qu’il en coûte »), Emmanuel Macron entend revenir au respect des règles budgétaires européennes et, pour cela, a choisi de donner un tour de vis sur les dépenses sociales, ce « pognon de dingue » qu’il avait autrefois fustigé.
Quatre réformes en ce sens sont ainsi mises en chantier : une nouvelle diminution de l’assurance chômage en fonction de la situation nationale de l’emploi, une réforme des retraites qui décalera à 64 ou 65 ans l’âge de départ et/ou allongera la durée de cotisation (réponse le 10 janvier), la réforme du service public de l’emploi, rebaptisé France Travail et enfin la mise sous condition d’activité du Revenu de solidarité active (RSA), héritier du RMI de Michel Rocard.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a beau marteler qu’ «il n’a jamais été question ni de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire », un malaise s’est installé avec cette réforme du RSA qui fait passer les devoirs avant les droits et reprend la vieille antienne de la droite sur « le cancer de l’assistanat », comme si les bénéficiaires du RSA se satisfaisaient de leur situation de précarité, alors même que 600 000 foyers éligibles ne font pas les démarches pour l’obtenir. La réforme du RSA pose problème car le contrôle des ressources et des obligations des allocataires, notamment en termes de formation, existent déjà. Là où le bât blesse, c’est bien davantage sur les moyens humains et financiers à octroyer au RSA – et notamment aux Départements qui ne se sont pas précipités pour participer à l’expérimentation du nouveau RSA – pour mettre en place des formations réellement solides et efficaces.
En l’occurrence, l’Allemagne, qui ne peut passer pour une économie laxiste, l’a parfaitement compris puisqu’elle prend le chemin inverse de celui de la France en faisant primer les droits sur les devoirs. Elle s’éloigne ainsi des lois Hartz IV qui, sous Gerhard Schröder, avaient imposé un système très dur de sanctions, de contrôles tatillons et de convocations humiliantes des chômeurs qui aboutissaient à l’obligation d’accepter tous les jobs jugés « raisonnables » ou de devoir déménager en cas de logement trop cher… Le gouvernement d’Olaf Scholz veut mettre l’accent désormais sur le soutien individuel et la formation et s’en donne les moyens.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 2 janvier 2023)