La transition écologique de la France ne sera pas un long fleuve tranquille. La décarbonation de notre économie, une mobilisation forte pour la défense de la biodiversité et de l’environnement, une meilleure gestion de l’eau et de son partage, le recours à des sources d’énergie propres et l’impératif de sobriété énergétique et d’économies d’énergie… Le chantier, immense, paraît presque inatteignable. Il nécessitera des investissements colossaux et, surtout, des décisions difficiles et impopulaires. Autant dire du courage politique.
Ces dernières semaines, deux dossiers en particulier illustrent toute la difficulté de concrétiser la transition énergétique : la mise en place de Zones à faibles émissions (ZEF) et la lutte contre les passoires thermiques. Dans le premier cas le déploiement de ZFE dans quelque 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants est évidemment une bonne chose : améliorer la qualité de l’air sera bénéfique pour l’environnement et la santé publique, personne ne peut en disconvenir. Mais en évinçant les véhicules les plus polluants, on relègue hors de la cité leurs propriétaires, qui sont majoritairement les Français les plus modestes. Sans le développement massif de moyens de transport en commun et d’aides convenables pour remplacer les vieilles voitures – les 2 milliards du fonds vert gouvernemental seront-ils suffisants ? – on prend le risque d’une rupture d’égalité entre citoyens. Inacceptable.
Même situation pour la lutte contre les passoires thermiques, des logements qui seraient 4,8 millions en France. D’après une récente étude de l’OFCE, le fait d’habiter dans un logement difficile à chauffer accroît de 50 % le risque de se déclarer en mauvaise santé. Les associations estiment que 20 % des Français – soit 12 millions de personnes – sont concernés par cette insupportable précarité énergétique. Interdire la location de logements classés F et G pour leur performance énergétique est donc une bonne chose pour la santé des Français et les économies d’énergie. Mais, là aussi, tous les propriétaires – certains sont modestes – n’ont pas forcément les moyens financiers d’engager de lourds travaux. Selon l’UNPI, qui tire la sonnette d’alarme, un propriétaire sur deux est inquiet. Sans aides suffisantes des pouvoirs publics, nombre d’entre eux seront acculés à la vente. Des sociétés spécialisées guettent d’ailleurs avec avidité ces logements pour les racheter à prix bradés. On comprend mieux dès lors la jungle que sont devenus les diagnostics de performance énergétiques. Un même logement peut se voir attribuer un C ou un F en fonction de la société qui réalise le diagnostic. Il y a là urgence à mettre en place un meilleur encadrement
Pour les ZFE comme pour les passoires thermiques, on mesure la difficulté de mise en œuvre et la tentation politique qui serait celle de retarder encore le calendrier de mesures impopulaires. L’ancien Premier ministre Edouard Philippe a récemment assuré qu’interdire la location des passoires thermiques serait une « folie ». La folie serait plutôt de ne pas tout faire pour que ces mesures se déploient, et donc d’investir massivement pour qu’aucun Français ne soit lésé. Question d’égalité républicaine.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 janvier 2023)