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Pas de fatalité

azlheimer

Il y a ces petits oublis, ces trous de mémoire bénins qui font parfois sourire l’entourage mais qui finissent au fil des mois et des années par se multiplier, s’agrandir pour devenir des gouffres dans lesquels sombrent les souvenirs et parfois la raison. Enfermé dans ce labyrinthe intime, dans ce dédale intérieur dont on aurait oublié la clé, le malade se débat dans les méandres de sa mémoire qui s’affaiblit, tantôt taiseux, tantôt violent pour les autres ou pour lui-même, ballotté entre des sautes d’humeur imprévisibles et des absences qui mettent à rude épreuve ses proches qu’il confond ou ne reconnaît plus.

La réalité se mélange avec des souvenirs rêvés, la conscience de soi et des autres se trouble et s’estompe. Ce long et douloureux cheminement des malades d’Alzheimer – magistralement interprété dans le film de Florian Zeller « The Father » par Anthony Hopkins – explique pourquoi trois quarts des Français ont peur de cette maladie neurodégénérative selon un sondage Ifop réalisé pour la Fondation Médéric Alzheimer en septembre 2021. La maladie d’Alzheimer est aujourd’hui la deuxième maladie qui suscite le plus de craintes après le cancer.

En trente ans, les Français se sont familiarisés avec cette maladie et avec les symptômes qui la caractérisent : troubles de la mémoire, du langage ou de l’attention, difficultés pour s’orienter, etc. Des symptômes qui, évidemment, effraient pour soi-même ou ses parents âgés tant la maladie contre laquelle il n’existe pas encore de traitement semble progresser avec quelque 225 000 nouveaux cas chaque année. Un Français sur deux a dans son entourage une personne touchée et il devrait y avoir 2,2 millions de malades en 2050 (139 millions dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé).

Mais aujourd’hui, il faut dire qu’il n’y a pas de fatalité. D’abord parce qu’il existe des solutions - trop méconnues - pour prévenir la maladie ou ralentir l’apparition des symptômes. Stimuler notre cerveau, le protéger des traumatismes et des toxines, préserver notre santé physique et métabolique mais aussi garder notre réseau relationnel sont quelques-unes des clés qui permettent de rendre évitable la malade dans 40 % des cas selon une étude du Lancet.

Il n’y a pas de fatalité aussi parce que la recherche médicale a fait des progrès considérables dans l’immunothérapie active – qui débouchera peut-être un jour sur un vaccin – ou passive. Le feu vert donné début janvier par la Food and Drug Administration américaine pour mettre sur le marché le Lecanemab, un nouveau traitement à base d’anticorps monoclonal, permet aujourd’hui de franchir une étape clé. Ce traitement ne guérit pas les malades d’Alzheimer en leur permettant de recouvrer leurs capacités cognitives perdues, mais chez certains d’entre eux, touchés à un stade léger, de ralentir la progression de la maladie.

Cette stabilisation peut, d’évidence, changer la donne et changer la vie. Dans nos sociétés où le vieillissement est un enjeu majeur de santé publique, ce traitement apporte l’espoir et conforte l’idée qu’investir massivement dans la recherche scientifique est assurément - avec l'indispensable accompagnement des malades et de leurs proches -  l’une des meilleures façons de préparer le monde de demain.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 23 janvier 2023)

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