Accéder au contenu principal

Trou d'air

Boeing737


« Un bel avion est un avion qui vole bien », avait coutume de dire Marcel Dassault. Que dire dès lors du Boeing 737 Max dont des dizaines d'exemplaires patientent sur d'immenses zones aéroportuaires de leur constructeur à Seattle ? Après les crashs des vols de la Lion Air le 29 octobre 2018 puis d'Ethiopian Airlines le 10 mars 2019, qui ont fait au total 346 victimes, le nouvel appareil de Boeing – qui devait être le fer de lance de l'avionneur américain – est depuis cloué au sol dans l'attente que le constructeur corrige des problèmes logiciels sur le système anti-décrochage de l'avion incriminé dans les crashs. Une situation d'immobilisation qui a déjà coûté près de 8 milliards de dollars à Boeing et qui devrait encore durer puisque le constructeur aurait refusé de fournir des informations sur les modifications aux agences de certification américaines, brésiliennes et européennes. Dès lors la FAA, l'ANAC et l'EASA ne risquent pas d'autoriser une remise en service rapide de l'appareil. De quoi agacer les clients de Boeing et réjouir le concurrent historique Airbus ? Pas si simple.

Les déboires de Boeing peuvent évidemment inspirer à l'homme de la rue quelques réflexes chauvins sur l'air de « Boeing qui pleure, Airbus qui rit ». La situation est évidemment beaucoup plus complexe et l'avionneur toulousain se garde bien de tout triomphalisme. Certes, le constructeur aéronautique européen a livré 389 appareils sur les six premiers mois de l'année, en hausse de 28 % sur un an, contre 239 avions pour Boeing, en baisse de 37 %. Une première depuis 2011 qui pourrait permettre à Airbus d'être premier constructeur aéronautique mondial tant en termes de livraisons que de commandes. D'autant que 2019 apparaît comme une bonne année avec le lancement de l'A321 XLR et le succès qui se confirme de l'A350. Mais rien n'est jamais acquis et le sérieux trou d'air subi par Boeing montre qu'on n'est jamais à l'abri d'un grain de sable capable de faire dérailler la plus belle des mécaniques. Airbus, marqué par les difficultés sur l'A380 ou la polémique sur les sondes Pitot de l'A330, aurait d'ailleurs d'autant moins matière à se réjouir que Boeing est loin d'être à terre. En dépit des déconvenues sur le B737 Max, l'avionneur américain n'a, en effet, pas enregistré d'annulation de commandes importantes, ni de défection majeure.

Dès lors, au final, il faudrait peut-être moins retenir les conséquences économiques et financières de l'immobilisation des Boeing que les leçons qui devraient en être tirées sur le plan industriel. Dans la course à l'innovation que se livrent Airbus et Boeing face aux nouveaux acteurs chinois très ambitieux, ce dernier a-t-il voulu aller trop vite ? Boeing, qui a versé 78 milliards de dollars à ses actionnaires ces 15 dernières années, contre 11 milliards d'euros pour Airbus, a-t-il placé la rentabilité devant la sécurité ? Face à de nouvelles technologies la formation des pilotes a-t-elle été adéquate ? Autant de questions auxquelles Boeing va devoir apporter de solides réponses pour rétablir la confiance et sortir du trou d'air.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 5 septembre 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a