Certains diront que le gouvernement joue de malchance avec le vaccin contre le Covid-19, d’autres qu’il paye là son impréparation de la campagne vaccinale par rapport à ce qu’ont fait d’autres pays européens. Toujours est-il qu’à l’heure où la défiance de l’opinion envers les vaccins s’est enfin inversée – 54 % de nos concitoyens se déclarent désormais prêts à se faire vacciner, contre 39 % à peine fin décembre, selon un sondage Ifop-Lemon paru ce week-end – et donc que l’exécutif pourrait se réjouir d’avoir gagné la bataille, capitale, de l’opinion, le voilà confronté à une nouvelle tuile : une possible pénurie de doses du vaccin Pfizer-BioNTech et la colère des élus locaux…
Les difficultés de production rencontrées par les deux laboratoires ne sont bien sûr pas le fait du gouvernement, d’autant plus que l’approvisionnement s’est fait pour chaque pays au niveau européen. Mais cette crainte de manquer de doses – que Pfizer-BioNTech a tenté d’atténuer ce week-end en promettant un retour à la normale d’ici le 25 janvier – s’ajoute aux dysfonctionnements qui entachent la campagne française depuis ses débuts, le 4 janvier.
La stratégie française de prioriser certains publics comme les résidents des Ehpad, avant de vacciner plus largement, n’est évidemment pas mauvaise. Elle a d’ailleurs été validée par la Haute autorité de santé et recueille le large assentiment de la communauté scientifique. Mais pourquoi tant de lenteur dans notre pays, quand l’Allemagne, avec ses vaccinodrômes, ou l’Italie vaccinent à tour de bras ? Emmanuel Macron, qui connaît pourtant parfaitement la haute administration française dont il est issu, a poussé un coup de gueule pour que le gouvernement accélère la cadence, maniant le ton gaullien selon lequel l’intendance doit suivre. Sauf que l’intendance patine…
Depuis hier, la vaccination des 5 millions de personnes de plus de 75 ans – qui ont parfois péniblement décroché un rendez-vous – a commencé, mais l’engouement des seniors pour le vaccin et le nombre insuffisant de doses créent, de fait, un inquiétant embouteillage. Le gouvernement tempère, assure qu’à la fin du mois un million de personnes seront bien vaccinées, Jean Castex a même appelé samedi à une vaccination "dans le calme" et hier Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a expliqué qu’"il va falloir attendre un peu"… Il y a pourtant urgence, à l’heure où surgit la menace des variants du coronavirus et où le vaccin reste la seule et unique solution pour en finir avec cette épuisante crise sanitaire.
Après la pénurie de masques puis l’échec de la stratégie tester-tracer-isoler, la France peut-elle prendre du retard dans sa vaccination ? Et l’exécutif, une nouvelle fois peu transparent quant au nombre de doses disponibles, peut-il les diffuser au compte-gouttes et refuser l’aide que lui proposent plusieurs collectivités locales, villes, départements ou régions pour ouvrir davantage de centres de vaccinations ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 19 janvier 2021)