Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance et son collègue Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, sont un peu le yin et le yang du gouvernement. L’économie et la santé, la santé et l’économie. Depuis un an et le début de la pandémie de Covid-19, l’économie a dû s’effacer devant la santé, au nom du principe humaniste selon lequel il fallait privilégier à toute autre considération la vie des Français, quels qu’ils soient, quel que soit leur âge. D’autres pays ont fait le choix inverse, comme les Etats-Unis de Donald Trump : le résultat est sans appel et l’Amérique est devenue le pays le plus endeuillé du monde avec 400 000 morts…
Mais si la santé est la priorité numéro un, l’économie reste la préoccupation majeure du gouvernement. Pour éviter son "écroulement", selon le mot terrible mais juste de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, Emmanuel Macron, déjà bousculé dans ses certitudes par la crise des Gilets jaunes, a dû complètement revoir son plan de réformes. Le président de la République voulait "libérer" l’économie puis "protéger" les Français ; il s’est retrouvé contraint de protéger d’abord les Français de la pandémie avant de pouvoir les libérer. Et pour ce faire, Emmanuel Macron a entamé un virage vers une politique plus sociale-démocrate que celle, sociale-libérale, menée jusqu’alors. Chacun garde en mémoire son "quoi qu’il en coûte"…
Un "quoi qu’il en coûte" que Bruno Le Maire est chargé depuis d’orchestrer, avec toute la difficulté que cela suppose. Au gré des restrictions sanitaires qui ont beaucoup évolué depuis un an – entre confinements et couvre-feux – le ministre doit sans cesse adapter son dispositif d’aides aux entreprises, leur expliquer pourquoi elles ne peuvent pas rouvrir, les assurer que le soutien de l’Etat sera là au moment où le virus ne le sera plus. Face aux lecteurs de La Dépêche, hier, restauratrice, commerçante, patrons de PME de l’aéronautique et de l’événementiel, directrice de station de ski, c’est un "discours de vérité" et de transparence que Bruno Le Maire a voulu tenir.
Un discours prononcé au plus près de ce terrain d’où remontent aujourd’hui colères et inquiétudes, angoisses et désespoir des Français. Un discours qui ouvre, aussi, des perspectives politiques… À cet égard, Bruno Le Maire – que la crise a conforté comme l’un des ministres clés du gouvernement et un poids lourd d’une Macronie qui en manque cruellement – n’hésite pas à aborder les sujets qui fâchent avec une lecture de nature à rassurer à droite : la dette colossale qu’il faudra bien rembourser, la réforme des retraites aujourd’hui gelée ou les dépenses publiques, qu’il faudra à ses yeux réduire. "Le moment venu", assure celui que certains voient déjà comme un remplaçant potentiel de Jean Castex. Bruno Le Maire, qui trouve le temps d’écrire un livre en pleine pandémie quand d’autres ministres se perdent sur les réseaux sociaux, se défend bien sûr de telles ambitions, à Matignon… ou plus loin. En 2013, dans son "Jours de Pouvoir", n’écrivait-il pas : " En politique, une vérité en chasse une autre, une certitude en balaie une seconde des dogmes anciens. Rien de stable, rien de pérenne, rien de clair ni de tranché, sauf un soir de mai, le résultat de l’élection".
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 23 janvier 2021)