Accéder au contenu principal

La France à cran

 

teletravail

Il aura suffi d’une voix, aussi douce que déterminée, pour mettre des mots sur ce que les Français ressentent à la veille d’un troisième confinement présenté comme inéluctable mais qui n’en finit pas de se faire attendre. Cette voix, c’est celle de Niels Arestrup. Invité au 20 heures de France 2 dimanche dernier à témoigner du désarroi du monde de la culture, le comédien a livré sa vision de la situation et son appréciation des restrictions sanitaires qui pèsent sur nous tous. « Je crois que les Français sont drôlement gentils, depuis un bon moment. Depuis pratiquement une année. Ils font tout ce qu’on leur demande, tous les efforts qu’ils peuvent. […] Il faut être gentil avec les gens qui vivent ça et qui acceptent ça. Ce ne sont pas des procureurs. Ce sont surtout des victimes ». Des propos renvoyant à la petite phrase d’Emmanuel Macron qui déplorait de devoir gouverner « 66 millions de procureurs »… Des propos, surtout, qui ont eu beaucoup d’écho sur les réseaux sociaux, et parfois été repris par certains ténors des oppositions, car ils dépeignent parfaitement le sentiment général d’une France à cran, gagnée par la lassitude et l’abattement provoqués par une épidémie sans fin.

Le premier confinement, totalement inédit pour une démocratie comme la nôtre, avait suscité au printemps la sidération puis au fil des semaines, permis parfois une remise à jour des priorités dans la vie de beaucoup de Français. Le second confinement, moins strict, a été marqué par un sentiment de résignation mais chacun a tenu, s’accrochant à l’idée de pouvoir préserver les fêtes de fin d’année. Cette fois, le troisième confinement – que d’aucuns imaginaient éviter avec le vaccin – provoque un sentiment de défiance, exacerbé par la communication calamiteuse et zigzagante du gouvernement quant à sa mise en œuvre.

De fait, l’acceptabilité du confinement, qui était très forte au printemps, s’étiole comme jamais dans l’opinion et met l’exécutif sous pression. Depuis plusieurs jours Emmanuel Macron est ainsi pris entre deux feux : ceux qui le pressent de reconfiner pour éviter une envolée des cas de Covid, décuplés par les variants très contagieux du coronavirus ; et ceux qui estiment qu’un reconfinement trop précoce , «très serré»,  secouerait encore un peu plus une économie déjà en souffrance et provoquerait colère et désobéissance civile…

À ce dilemme s’ajoute désormais pour le chef de l’Etat le questionnement des choix opérés depuis un an – la santé avant l’économie – sous le prisme de la fracture générationnelle. « Années gagnées sur la mort contre années perdues pour la vie : c’est en ces termes que devrait être posé le débat sur le confinement généralisé », a ainsi écrit le philosophe Gaspard Koenig dans une tribune très largement partagée, notamment par une jeunesse française en grande souffrance.

À l’aune de cette situation sous tension, il devient urgent pour Emmanuel Macron d’arrêter le compte à rebours et de  trancher rapidement, clairement, précisément, en offrant aux Français, outre la compréhension de leur désarroi, des perspectives pour la suite, des raisons d’espérer sinon les Jours heureux, au moins des jours meilleurs…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 29 janvier 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Urgence démographique

  Présentées dans la torpeur de l’été, les statistiques démographiques de l’Insee devraient pourtant tous nous inquiéter et nous réveiller. Avec une baisse de 2,2 % du nombre quotidien de naissances moyen entre le premier semestre 2024 et celui de 2025, la France devrait atteindre une nouvelle fois son plus bas niveau depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et cela pour la quatrième année consécutive, sans que l’on perçoive la possibilité d’un retournement prochain de situation. Dans le même temps, en cumul de janvier à juin, le nombre de décès quotidien moyen est plus élevé en 2025 qu’il ne l’était un an auparavant : + 2,5 %. Implacable logique d’un solde naturel qui montre d’un côté une France qui ne fait pas assez d’enfants, de l’autre une France dont la population vieillit à grande vitesse. Au 1er janvier 2025, 21,8 % des habitants avaient au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005 ; les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8...