Tous les dix ans, la France célèbre Mai-68, et les éditeurs comme les médias convoquent les grands témoins comme les photographies célèbres qui ont fait l'Histoire de cette révolte étudiante devenue crise politique avant de bouleverser en profondeur la société française par d'incontestables avancées sociales et sociétales. Tous les dix ans, on revisite à coups de livres, de documentaires télévisés et de dossiers spéciaux les grands moments qui ont agité le Quartier latin, la Sorbonne, Nanterre, des occupations d'amphis aux lancés de pavés, célébrant là, par un prisme déformant, un mouvement dont on pourrait penser qu'il ne fut que germanopratin. À tort…
Car, si Mai-68 a bien été marqué par des faits historiques majeurs dans la capitale, il a aussi irrigué la province, à commencer par Toulouse. La Ville rose, forte de quelque 21 000 étudiants, fut d'ailleurs la première ville universitaire de province à réagir aux événements parisiens avec la création du « Mouvement du 25 avril ».
Célébrer aujourd'hui, cinquante ans après, la création de ce mouvement qui réclamait notamment le droit de tenir des assemblées générales à l'université, c'est aussi se pencher en quelque sorte sur un « Mai des provinces ». Un Mai-68 hors Paris passé trop souvent sous les radars médiatiques. Un Mai-68 sur lequel les historiens ont, d'évidence, encore du travail à faire pour comprendre l'articulation qui s'est opérée, dans une France alors hypercentralisée, entre les événements parisiens et la mobilisation qui s'est fait jour en province.
Car, derrière la convergence des luttes de l'époque – celle-là même que certains espèrent réitérer en mai 2018 –, il y a eu aussi une convergence des territoires qui, manifestations, rassemblements et grèves générales aidant, a sans conteste pesé sur la suite du « joli mois de mai ». Un Mai-68 en province qui a de plus eu ses spécificités locales, comme le note l'historienne Danielle Tartakowsky, qui s'est intéressée aux manifestations de mai et juin 1968 dans la France profonde. Ainsi, on sait qu'au soir du 13 mai, date d'une importante grève générale et de manifestations ouvriers-enseignants-étudiants dans toute la France, on a constaté en province de multiples refus de dispersion, des barrages, des barricades, des sit-in prolongés, et même des assauts de préfectures. « Si l'on en croit les livres qui paraissent actuellement, l'intérêt se déplace hors de Paris, vers le Mai-68 de la province, des campagnes, des oubliés », expliquait il y a quelques jours le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui était en 1968 étudiant de philosophie et de sociologie, à Caen.
Au-delà du récurrent débat sur l'« héritage » et des passes d'armes entre revanchards et soixante-huitards, célébrer les cinquante ans de Mai-68 c'est donc aussi donner la parole – comme va le faire ces prochaines semaines La Dépêche – à tous les acteurs qui, en province, ont apporté leur… pavé à l'édification d'un mouvement qui passionne toujours autant.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 25 avril 2018)
Car, si Mai-68 a bien été marqué par des faits historiques majeurs dans la capitale, il a aussi irrigué la province, à commencer par Toulouse. La Ville rose, forte de quelque 21 000 étudiants, fut d'ailleurs la première ville universitaire de province à réagir aux événements parisiens avec la création du « Mouvement du 25 avril ».
Célébrer aujourd'hui, cinquante ans après, la création de ce mouvement qui réclamait notamment le droit de tenir des assemblées générales à l'université, c'est aussi se pencher en quelque sorte sur un « Mai des provinces ». Un Mai-68 hors Paris passé trop souvent sous les radars médiatiques. Un Mai-68 sur lequel les historiens ont, d'évidence, encore du travail à faire pour comprendre l'articulation qui s'est opérée, dans une France alors hypercentralisée, entre les événements parisiens et la mobilisation qui s'est fait jour en province.
Car, derrière la convergence des luttes de l'époque – celle-là même que certains espèrent réitérer en mai 2018 –, il y a eu aussi une convergence des territoires qui, manifestations, rassemblements et grèves générales aidant, a sans conteste pesé sur la suite du « joli mois de mai ». Un Mai-68 en province qui a de plus eu ses spécificités locales, comme le note l'historienne Danielle Tartakowsky, qui s'est intéressée aux manifestations de mai et juin 1968 dans la France profonde. Ainsi, on sait qu'au soir du 13 mai, date d'une importante grève générale et de manifestations ouvriers-enseignants-étudiants dans toute la France, on a constaté en province de multiples refus de dispersion, des barrages, des barricades, des sit-in prolongés, et même des assauts de préfectures. « Si l'on en croit les livres qui paraissent actuellement, l'intérêt se déplace hors de Paris, vers le Mai-68 de la province, des campagnes, des oubliés », expliquait il y a quelques jours le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui était en 1968 étudiant de philosophie et de sociologie, à Caen.
Au-delà du récurrent débat sur l'« héritage » et des passes d'armes entre revanchards et soixante-huitards, célébrer les cinquante ans de Mai-68 c'est donc aussi donner la parole – comme va le faire ces prochaines semaines La Dépêche – à tous les acteurs qui, en province, ont apporté leur… pavé à l'édification d'un mouvement qui passionne toujours autant.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 25 avril 2018)