En réclamant lundi soir un « électrochoc » dans la lutte contre le harcèlement scolaire après qu’un rectorat a expédié un courrier comminatoire « honteux » à une famille dont l’enfant, Nicolas, 15 ans, moqué et violenté, a fini par se donner la mort, Gabriel Attal a, d’évidence, pris la mesure d’un fléau qui n’a que trop duré. Non pas que les prédécesseurs du ministre de l’Education nationale n’aient jamais rien fait sur ce sujet. Des dispositifs ont été lancés, des numéros verts mis en place, des plateformes internet de signalement déployées, des formations prodiguées aux personnels de l’Éducation nationale et des campagnes de sensibilisation ont été conduites auprès des élèves eux-mêmes en particulier et du grand public en général. Il y a même tous les ans une Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école…
Mais le phénomène a continué à perdurer, prenant d’autant plus d’ampleur que s’il s’arrêtait jadis aux portes de l’école, il est devenu désormais permanent avec les réseaux sociaux, où le harcèlement en meute se fait sans réelle entrave. Une pression permanente qui fait vivre un enfer aux enfants harcelés… comme à ceux qui redoutent de l’être un jour. 60 % des 10-15 ans pensent ainsi qu’ils pourraient être victimes de harcèlement selon une enquête de l’institut CSA pour Milan Presse parue en juin. 40 % ont été témoins de faits de harcèlement et 20 % en ont été directement victimes. Effarant. Un rapport sénatorial pointait il y a deux ans déjà que 6 à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement lors de leur scolarité, et que 800 000 à 1 million d’enfants en seraient victimes, chaque année. Insupportable.
Les Français ne s’y trompent pas et un récent sondage montre que 89 % d’entre eux – quelles que soient leurs appartenances sociale ou politique – considèrent que l’Éducation nationale, coupable d’entretenir une forme d’omerta, n’en fait pas assez en matière de lutte contre le harcèlement scolaire. Elisabeth Borne avait annoncé en juin vouloir « faire de la lutte contre le harcèlement la priorité absolue de la rentrée 2023. » Nous y sommes.
Il est temps pour le gouvernement de passer des paroles aux actes. Gabriel Attal a demandé un audit pour recenser tous les cas de harcèlement dans les rectorats, mais l’heure ne peut plus être aux études et aux statistiques. L’heure doit être à l’action. Le changement d’établissement de l’élève harceleur plutôt que de l’élève harcelé, entré en vigueur cette rentrée, est assurément un premier pas, mais il faut aller plus loin, sans doute avec des moyens financiers et humains conséquents pour mieux détecter et mieux prévenir tout acte de harcèlement. Et aussi avec une exigence beaucoup plus forte à l’encontre des plateformes américaines qui modèrent si mal les contenus sur leurs réseaux sociaux.
Il est temps d’en finir avec ce fléau qui pousse des jeunes garçons et des jeunes filles à commettre l’irréparable. Nous le devons à Nicolas, à Ambre, à Lucas, à Lindsay et hélas à tant d’autres enfants qui se sont donné la mort et à tous ceux qui, un jour, ont vécu le calvaire d’être harcelés sans avoir pu être protégés par les adultes…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 20 septembre 2023)