rEn se rendant en Israël fin octobre dernier pour assurer l’État hébreu du soutien de la France après l’attaque terroriste barbare du 7 octobre qui a coûté la vie à 1 200 personnes, dont 42 Français, Emmanuel Macron avait pris tout le monde court, y compris ses propres services diplomatiques, en proposant de « bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous », sur le modèle de ce qui avait été fait pour lutter contre Daech. Inaudible en Palestine – où l’armée israélienne entamait une guerre destructrice au Hamas qui allait faire des milliers de morts civils à Gaza – et hautement inflammable dans le monde arabe, cette proposition a fait long feu. L’idée d’une coalition de fait revient pourtant en force depuis le week-end dernier, mais cette fois dirigée contre l’Iran qui a, de façon inédite, déclenché une vaste attaque contre Israël en lançant des centaines de drones et missiles.
Le régime des mollahs estime avoir répondu au bombardement de son consulat à Damas, attribué à Israël, qui a fait le 1er avril cinq victimes dont un commandant des Gardiens de la révolution, la redoutable armée idéologique iranienne. Israël – dont le dôme de fer et l’aide des Occidentaux et de certains pays arabes a permis de détruire en vol 99 % des drones et missiles – était prêt à riposter rapidement et fermement avant que les États-Unis ne l’en dissuadent. Depuis, le monde retient son souffle, redoutant un embrasement du Moyen-Orient qui pourrait ensuite se globaliser, observant les acteurs de cette mécanique du chaos et appelant à la retenue. Mais cette retenue est-elle possible ?
Du côté israélien, elle pourrait être possible, l’attaque iranienne apparaissant comme une chance de sortir de l’enlisement à Gaza. Alors que la guerre à Gaza a freiné le processus de rapprochement diplomatique d’Israël avec l’Arabie saoudite et embarrassé les pays déjà signataires des accords d’Abraham, alors que le pays est de plus en plus critiqué en Occident et dans le monde arabe pour la violence de ses opérations militaires à Gaza qui font des milliers de victimes civiles, Benyamin Netanyahou, fustigé pour n’avoir pas su protéger son pays des attaques du 7 octobre, ni être capable de libérer les otages ou de mettre le Hamas hors d’état de nuire, peut-il saisir cette chance historique qui s’offre à lui de rassembler une coalition contre l’Iran ? Encore faut-il qu’il ne cède pas à ses ministres d’extrême droite qui appellent à envahir Rafah « immédiatement » ou à lancer une riposte « dévastatrice » contre l’Iran…
Du côté iranien, la retenue paraît bien illusoire. L’attaque contre Israël est, en effet, le signe de la radicalisation du régime théocratique, entamée après la sortie unilatérale de Donald Trump de l’accord sur le nucléaire en 2018. Le 3 avril, les Gardiens de la révolution ont mis un terme à la « patience stratégique » - qui consistait jusqu’à présent à soutenir des groupes armés - pour attaquer directement Israël.
Si l’Iran tente d’expliquer qu’il ne s’agissait que d’une action isolée, on peut en douter. Vivement contesté par son peuple avec le mouvement Femme Vie Liberté mais bénéficiant d’alliés de circonstance comme la Russie, le régime de Téhéran, qui a si souvent alimenté des crises, des guerres et du terrorisme, préférera miser sur l’embrasement plutôt que sur la retenue pour assurer sa survie et éviter d’être renversé.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 18 avril 2024)