L’adage populaire, que l’on attribue parfois à Jack London, est que ce n’est pas la destination qui compte mais le voyage. Les passagers qui ont pris l’avion ces derniers mois et plus encore cet été, ont pu mesurer toute la profondeur de la sentence tant embarquer à bord d’un Airbus ou d’un Boeing, à Roissy ou New-York, à Toronto ou Londres-Heathrow est devenu une véritable aventure pleine de surprises et, surtout, un véritable parcours du combattant digne de Pékin Express.
Il est vrai que le voyage en avion a singulièrement évolué depuis le milieu du XXe siècle. D’un côté, l’avion n’est plus l’apanage d’une élite mondialisée, et c’est heureux. Sous la poussée des compagnies low cost, il s’est démocratisé et, en 2019, dernière année « normale » avant le choc de la pandémie de Covid-19, quelque 4,5 milliards de personnes ont pris l’avion dans le monde. De l’autre côté, les attentats terroristes survenus dans les années 90 et surtout les attaques islamistes contre les tours jumelles du World Trade Center à New York en 2001 ont conduit à un renforcement drastique des mesures de sécurité qui ont allongé significativement la durée nécessaire à l’embarquement. Il est bien loin le temps où l’on passait quasiment instantanément du hall de l’aéroport à son siège dans la cabine.
Dès lors, le voyage en avion – de l’embarquement à la restitution des bagages – est devenu une machinerie d’une incroyable complexité que le moindre grain de sable peut très vite gripper comme des milliers de passagers s’en sont aperçus début juillet. Lorsque le Covid a frappé de plein fouet le trafic aérien mondial en 2019, le faisant chuter des deux tiers, aéroports et compagnies aériennes se sont séparés d’une partie de leurs personnels qui fait cruellement défaut aujourd’hui pour assurer la reprise post-Covid et faire face au retour des voyageurs. Si l’on ajoute des pannes techniques, des grèves au sol ou dans les cockpits, on arrive à des situations chaotiques qu’on a pu observer au début du mois et dont la plus spectaculaire conséquence concerne les bagages retardés ou perdus des voyageurs dont le taux a bondi de 24 % dans le monde l’an dernier.
Sur les réseaux sociaux, personnalités ou simples voyageurs ont témoigné de leurs vacances gâchées ou partagé des photos de ces milliers de valises bloquées, dont certaines ne retrouveront peut-être jamais leur propriétaire. Ces derniers peuvent toujours réclamer une indemnisation, telle que prévue par la Convention de Varsovie ou celle de Montréal, mais la complexité de la paperasse nécessaire en décourage beaucoup, au point d’avoir suscité la création de sociétés spécialisées dans les demandes d’indemnisations !
Dès lors, pour conjurer la hantise de perdre sa valise et se prémunir de la galère pour se faire indemniser, chacun s’échange ses astuces : prendre quelques vêtements avec soi en cabine, souscrire une assurance complémentaire ou installer un traceur sur son bagage, etc. D’autres préconisent de ne voyager qu’avec un bagage cabine, retrouvant là peut-être le véritable esprit du voyage comme le définissait Saint-Exupéry : « Celui qui veut voyager heureux doit voyager léger. »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 30 juillet 2022)