L’image avait fait bondir les téléspectateurs et internautes les plus attentifs qui suivaient la retransmission de l’interview du président de la République le 14 juillet dernier. Tandis qu’Emmanuel Macron, interrogé sur la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine, expliquait qu’ « on doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété, [qu’]on va préparer un plan pour se mettre en situation de consommer moins » et qu’il faut « faire attention collectivement, le soir aux éclairages quand ils sont inutiles », on pouvait voir en arrière-plan les lustres d’un salon de l’Elysée… brillamment allumés en plein jour. Ce contraste en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir sur la longue voie de la sobriété énergétique et, pour l’État, à se montrer exemplaire en la matière lorsqu’il demande aux Français de faire des efforts.
L’exécutif a-t-il entendu les critiques de l’opposition après l’interview présidentielle ? Ou même les railleries essuyées par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran qui incitait récemment les Français, sur un ton paternaliste, à faire des économies d’énergie en débranchant leurs appareils électriques et le wifi de leur box internet ? Comme si ces derniers n’avaient pas – déjà et de longue date – adopté ces gestes qui allègent leur facture…
En tout cas, en dégainant hier une circulaire à ses ministres pour les inciter à mettre en place des mesures visant à diminuer la consommation d’énergie de leur administration, la Première ministre Elisabeth Borne a voulu montrer sa bonne volonté et l’exemple. À l’heure où la grande distribution a pris des engagements clairs en faveur de la sobriété et où l’on va en finir avec l’aberration de laisser des commerces climatisés portes ouvertes ou des enseignes lumineuses allumées toute la nuit, il était temps…
L’envoi de la circulaire ministérielle – la quatrième sur le sujet depuis 2015 –, l’adoption de petits gestes écologiques, critiqués tantôt pour leur insignifiance tantôt pour leur côté punitif voire gadget sont, n’en doutons pas, nécessaires, et même utiles. Mais ils restent forcément insuffisants pour affronter le défi énergétique colossal qui nous attend et qui va nécessiter des mesures autrement plus contraignantes et surtout bien plus profondes que celles qui sont prises actuellement en France et chez nos voisins européens sous l’impulsion du plan énergétique de la Commission européenne.
Lors du choc pétrolier de 1973, la France avait lancé une vaste campagne de chasse au gaspi – le fameux « en France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées » – avec des mesures structurelles fortes comme des limitations importantes de la vitesse sur les routes ou la mise en place des premières normes d’efficacité énergétique pour les nouveaux bâtiments.
Aujourd’hui, la crise de l’énergie déclenchée par la guerre en Ukraine peut être l’opportunité d’accélérer la transition énergétique et d’impulser une sobriété qu’aucun rapport du Giec, aussi alarmant soit-il, n’avait pour l’heure déclenchée. Relever ce défi est à notre portée, en France comme en Europe, à condition que dans la mobilisation générale, l’acceptabilité des mesures et l’équité prévalent pour que les plus fragiles – petites entreprises comme ménages modestes – ne restent pas sur le bord du chemin.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 27 juillet 2022)