Le coup de chaud qui a saisi l’hémicycle de l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi autour d’un amendement demandant une revalorisation supplémentaire de 500 millions d’euros pour les pensions de retraite, voté puis retiré – pataquès qui arrive après plusieurs « couacs » subis par le gouvernement – illustre combien la vie politique française s’est reparlementarisée depuis les élections législatives de juin. Et cela constitue plutôt une bonne nouvelle pour notre démocratie, habituée depuis trop longtemps à se satisfaire d’un Parlement docile voire effacé devant un exécutif tout puissant qui attend d’être obéi.
Alors que certains pronostiquaient au soir du second tour des législatives des « blocages » insurmontables, de la « paralysie » permanente, du « chaos » en veux-tu en voilà, de l’obstruction systématique de la part d’oppositions plus radicales et plus nombreuses – et donc moins dociles et moins insignifiantes que par le passé – les semaines qui viennent de s’écouler montrent, au contraire, que le travail parlementaire se fait. Certes les débats sont plus longs – avec un marathon de séances de nuit interminables qu’il faudrait sans doute limiter. Certes le gouvernement d’Elisabeth Borne est contraint d’aller chercher sur chaque texte, pour ne pas dire chaque amendement, les votes des députés qui lui font défaut. Certes les oppositions de gauche de la Nupes, de droite des Républicains et d’extrême droite du Rassemblement national donnent de la voix et font de temps en temps claquer d’exaspération leurs pupitres. Certes, la fatigue ou la colère aidant, les invectives et les noms d’oiseau fusent parfois d’un banc à l’autre et se prolongent sur Twitter. Mais au final, le pays n’est pas enlisé et l’Assemblée nationale, dont les visages des députés ont été largement renouvelés, travaille, avance et apparaît comme le cœur battant de la vie politique.
Même Emmanuel Macron l’a concédé. « Les premières semaines de débats au Parlement montrent que le pays n’est pas bloqué » a dit le président de la République lundi devant ses conseillers, se félicitant, selon une indiscrétion du Canard Enchaîné, que sur les textes du pouvoir d’achat et du projet de loi de finances rectificative, « le texte final est très proche de ce que voulait le gouvernement » et qu’ « il a même été amélioré par certains amendements. » De quoi satisfaire l’exécutif et la majorité présidentielle quant aux vertus de l’écoute et de la recherche du compromis ; cette « nouvelle méthode » promise par Emmanuel Macron car réclamée et finalement imposée à lui par les Français.
Ce fonctionnement peut-il perdurer ? Cette nouvelle méthode de recherche de compromis – expérimentée de longue date chez nos voisins européens – peut-elle durablement s’installer ? L’avenir le dira quand des reformes plus clivantes que des mesures consensuelles pour le pouvoir d’achat arriveront devant l’Assemblée, comme la réforme des retraites ou celle de l’Assurance chômage. La main tendue pour bâtir des compromis n’exclut pas de violents bras de fer entre majorité présidentielle et oppositions, et peut-être au sein même de la majorité.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 28 juillet 2022)