Accéder au contenu principal

Acier trumpé

Donald Trump signe son décret établissant des taxes douanières sur l'acier et l'aluminium à la Maison Blanche en présence d'ouvrier sidérurgiques. / Photo White House


En décidant d'instaurer la semaine dernière des droits de douane de 25 % sur l'acier et de 10 % sur l'aluminium importés aux États-Unis, Donald Trump vient de montrer, une nouvelle fois, qu'il entend bel et bien rester sur la ligne politique qui l'a amené à la Maison Blanche en novembre 2016 : « America first », l'Amérique d'abord. Peu importe finalement que, lorsque l'on analyse finement le marché de l'acier en surproduction mondiale, on constate que les importations américaines en provenance de l'Union européenne ne représentent que 6 %, et en provenance de la Chine 1 % à peine. Pour Donald Trump, l'essentiel est ailleurs. Plus que des considérations économiques, ce sont des considérations politiques qui ont présidé à sa décision et illustrent sa conception protectionniste et populiste des échanges commerciaux.

Poltique internationale tout d'abord. Donald Trump entend dénoncer les accords de libre-échange signés et défendus par les États-Unis depuis des années par ses prédécesseurs. Pour le Président républicain, ces accords, « très stupides » selon l'un de ses récents tweets, sont injustes et pénalisent l'économie américaine. C'est le message qu'il a d'ailleurs porté lors du dernier sommet de Davos. « Nous sommes en faveur du libre-échange, mais il doit être juste, et il doit être réciproque. Les États-Unis ne fermeront plus les yeux sur les pratiques commerciales inéquitables », avait-il lancé.

Politique intérieure ensuite. Donald Trump aborde les élections de mid-term qui ont lieu cette année en novembre, en mauvaise posture. Sans parler de l'affaire de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016 et des départs à répétition de ses collaborateurs à la Maison Blanche, Donald Trump sait que sa politique économique, en dépit d'une croissance forte et de création d'emplois, n'aura pas atteint ses objectifs en matière de réduction du déficit commercial ou de hausse des investissements des entreprises. D'où son idée d'adresser un message à sa base électorale. Et quoi de mieux que l'acier pour cela, lui qui promettait durant sa campagne de redonner sa grandeur au secteur sidérurgique américain sinistré. Une promesse qui lui avait d‘ailleurs permis de conquérir en Pennsylvanie des votes capitaux pour son élection…

Face à cette vision américaine à courte vue, face à l'idée populiste illusoire que tout irait mieux si chaque pays se repliait sur lui-même au nom du « chacun pour soi », le reste du monde, et en particulier l'Union européenne, doivent afficher leur détermination à préserver les règles internationales et leur foi dans le multilatéralisme.

Ce qui ne veut pas dire que rien ne doit changer. A Davos, justement, Emmanuel Macron l'avait d'ailleurs parfaitement résumé en plaidant pour un nouveau « contrat mondial » soucieux de corriger et réguler les excès socio-économiques de la mondialisation. Un nouveau contrat à même d'intégrer les laissés-pour-compte de la mondialisation et de contrer ainsi la montée des nationalismes, dont la guerre de l'acier de Trump est une énième illustration.

(Editorial publié dans La Dépêche du lundi 12 mars 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...