Cinq milliards de voyageurs aériens prévus dans le monde en 2024. Voilà un chiffre, présenté cette semaine par l’Association internationale du transport aérien (IATA) – qui regroupe 320 compagnies aériennes représentant 83 % du trafic mondial – qui peut enthousiasmer et inquiéter tout à la fois.
Enthousiasmer car pour l’industrie aéronautique, cette prévision annonce des lendemains qui chantent et enterre définitivement les douloureuses années Covid. La pandémie, on s’en souvient, avait paralysé du jour au lendemain tout le vaste secteur de l’aéronautique, constructeurs, compagnies aériennes, aéroports et en corollaire c’est toute l’industrie du tourisme mondial qui s’était trouvée bloquée. Le secteur aérien avait subi des pertes vertigineuses, à hauteur de 183 milliards de dollars entre 2020 et 2022 !
L’IATA prévoyait jusqu’à présent 4,7 milliards de voyageurs aériens en 2024 ; la nouvelle prévision signe non seulement le retour à la situation d’avant la pandémie mais aussi à des prévisions exceptionnelles de croissance, tirée par la forte demande de la Chine et des pays asiatiques. Pour les constructeurs Airbus et Boeing, cela signifie des carnets de commandes garnis pour longtemps et, en Occitanie, une bonne nouvelle pour l’emploi. Reste aux deux géants à s’organiser pour répondre à cette forte demande.
Mais les chiffres de l’IATA peuvent aussi inquiéter à l’heure où la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique doit être une urgence absolue. Or, le secteur aérien a, comme d’autres secteurs industriels, une responsabilité dans le réchauffement du climat puisque ses émissions de CO2 en 2024 devraient s’élever à 939 millions de tonnes. La décarbonation de l’aviation est certes engagée avec notamment les carburants d’aviation durables (SAF) et la perspective – encore lointaine – d’avoir un jour un « avion vert ». Dans cette course de fond, la forte hausse du trafic aérien n’aide pas pour que l’aviation atteigne son objectif « zéro émission nette de carbone » d’ici 2050.
Dès lors l’humanité se trouve face à un défi : comment répondre à la demande mondiale de voyager et éviter de contribuer au réchauffement climatique ? Au-delà des avancées technologiques, notre comportement collectif doit être questionné. Les pistes ne manquent d’ailleurs pas, radicales ou utopiques. Faut-il instaurer un quota de quatre trajets en avion par personne pour toute leur vie comme le proposent certains ? Faut-il interdire des vols pour une courte durée de trajet et les reporter vers le train – encore faut-il que le réseau soit efficient et abordable ? Faut-il en finir avec les prix bas des compagnies low cost ?
Ces questions, qui s’accompagnent souvent de virulentes polémiques, devraient nous amener à une réflexion globale sur notre façon de nous déplacer, de voyager, de découvrir le monde et de continuer à tisser des liens. Bref d’imaginer une combinaison de modes de transports, en prenant soin d’éviter le retour en arrière, l’époque où prendre l’avion n’était réservé qu’à une élite fortunée. L’avion de demain, c’est l’avion pour tous, mais l’avion autrement qu’il reste à inventer.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 5 juin 2024)