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Sortir des dénis

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Le malaise qui traverse les rangs de la police depuis l’incarcération à Marseille d’un policier de la Brigade anticriminalité soupçonné de graves violences, est profond. Ce mouvement de colère des fonctionnaires de voir l’un des leurs derrière les barreaux, cette fronde qui fait tache d’huile, entre grève du zèle ou arrêts maladie, entre défiance des principes républicains et légitime exaspération face à des décisions judiciaires incomprises, impose d’urgence au gouvernement – mais tout autant à la société – de réfléchir en profondeur à la police que nous voulons, aux moyens matériels et humains à y consacrer, au cadre institutionnel dans lequel elle doit agir au nom et au service des Français, en respectant les valeurs de la République.

Pour engager cette réflexion, il faut sans nul doute de sortir des dénis qui minent toute possibilité de réforme, d’évolution de la doctrine du maintien de l'ordre, d’adaptation qu’ont pu réaliser nos voisins européens. On en est loin…

Déni d’abord de la violence à laquelle sont confrontés les policiers sur le terrain. Depuis plusieurs années, leur autorité est défiée avec une violence verbale et physique insupportable. Du mouvement des Gilets jaunes en 2018 qui s’était laissé déborder par les éléments les plus violents aux manifestations qui, quasi-systématiquement, sont dévoyées par des black-blocs qui visent « les flics », des insultes à répétition essuyées lors des contrôles au danger accru lors des interventions liées au terrorisme ou aux trafics de stupéfiants, les policiers subissent des attaques inadmissibles. Ils sont non seulement devenus des cibles, mais voient aussi parfois leurs familles menacées. Personne ne peut se satisfaire d’une telle situation dans laquelle sont plongés au quotidien ces fonctionnaires qui, derrière leur uniforme, sont des pères et des mères, des frères, des sœurs, des amis, qui se sentent parfois « abandonnés » et pas assez soutenus.

Mais il faut aussi sortir du déni qui consiste à nier l’existence de violences policières, de discriminations ou de racisme dans la police. Si dans leur grande majorité les policiers font parfaitement leur travail, une minorité n’a, d’évidence, pas sa place dans leurs rangs. Ces Rambos-là qui se croient tout permis, s’imaginent au-dessus des lois, se pensent dans un camp en guerre contre un autre, profèrent d’hallucinants propos factieux par la voix de syndicats proches de l’extrême droite sans guère de contradiction, et dont certains sont à l’origine des mutilations répertoriées notamment chez des Gilets jaunes, abîment l’image de la police républicaine qui n’est pas une garde prétorienne idéologique mais une force gardienne de la paix civile.

Sortir de ces deux dénis supposerait d’avoir une classe politique sérieuse, qui ne verse ni dans la vaine surenchère sécuritaire, ni dans l’angélisme ou la caricature nauséabonde et outrancière. Là aussi, on en est loin ; les policiers que nous avons interrogés dénoncent des politiques qui méconnaissent leur quotidien et la réalité de leurs missions.

Enfin, ce chantier de remise à plat, ne pourra se faire qu’en réaffirmant bien que ceux qui doivent faire respecter la loi ne peuvent être au-dessus de la loi. En tardant à rappeler avec force ce principe cardinal de l’État de droit – comme François Mitterrand l’avait fait en 1983 lorsqu’il s’était retrouvé face à des policiers séditieux – Emmanuel Macron n’a pas mesuré l’ampleur du problème et ses enjeux démocratiques.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 28 juillet 2023)

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