Le relâchement des Français, et plus particulièrement des jeunes, dans l’application des mesures de distanciation sociale et des gestes barrière pour lutter contre la propagation du coronavirus, inquiète de plus en plus les autorités alors que nous sommes toujours sous la menace d’une reprise de l’épidémie. Une deuxième vague qui reste pour l’heure hypothétique – pronostiquée par certains experts, démentie par d’autres – mais à laquelle il faut malgré tout se préparer, alors qu’on a comptabilisé une centaine de nouveaux clusters partout en France.
Face à cette situation, la jeunesse est particulièrement montrée du doigt. Les jeunes ne prendraient pas assez la mesure de la gravité de la situation, de la contagiosité du virus, seraient dans un sentiment de toute-puissance face à ce que beaucoup considèrent comme une maladie bénigne. On a ainsi vu depuis le déconfinement des attroupements de jeunes dans des parcs ou devant des bars où chacun finit par se rapprocher au fil de la soirée et où les masques tombent. Dans certaines villes, les interventions pour tapage nocturne se sont multipliées face à des fêtes privées organisées en catimini dans des appartements.
Ce relâchement de la jeunesse était toutefois prévisible car elle a particulièrement souffert du confinement. Chez les 18-24 ans, 24 % ont trouvé le confinement très pénible, beaucoup de jeunes se sont retrouvés isolés à ce moment de leur vie où les interactions sociales sont capitales et nombreux sont ceux qui craignent la crise socio-économique qui vient… Pas étonnant dès lors que depuis le 11 mai, et plus encore avec les vacances et l’été, il y ait le besoin de se retrouver, de faire la fête, de renouer avec la vie d’avant.
On aurait toutefois tort de stigmatiser la seule jeunesse car le relâchement des comportements concerne bel et bien toute la population et a parfaitement été documenté par plusieurs enquêtes. Fin juin, Santé publique France observait ainsi que 55 % des Français continuaient à "saluer sans se serrer la main et arrêter les embrassades" et à "garder une distance d’au moins un mètre", contre 85 % en mars. De même les 35-49 ans adoptaient moins systématiquement le port du masque…
Derrière ce relâchement – qui montre combien l’homme est un animal social en recherche d’interactions – se trouve la question de la perception du risque, propre à chacun d’entre nous. Deux chercheurs ont montré début juillet combien beaucoup de Français ont été sensibles à un "biais d’ancrage" quand il s’agit de prendre la mesure du risque. C’est-à-dire que le jugement de beaucoup d’entre eux s’est forgé (ancré) à partir des premières informations rassurantes du début de l’épidémie, et malgré de nouvelles informations plus alarmantes, certains en sont restés à l’idée que la Covid-19 n’était qu’une "grippette" – comme l’avait expliqué, entre autres, le Pr Raoult – et que les gestes barrière sont donc accessoires… Toute la difficulté, pour le gouvernement est donc de lutter contre cet "effet grippette" persistant, en communiquant de la façon la plus juste, claire et transparente possible.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 29 juillet 2020)