La démission de Christophe Girard, jeudi dernier, de son poste d’adjoint à la Culture de la maire PS de Paris Anne Hidalgo, sous la pression publique, médiatique et politique de militantes féministes et plus particulièrement d’une élue d’Europe Ecologie Les Verts, Alice Coffin, a fait monter le curseur d’un cran dans la lutte radicale que mènent certains mouvements de défense des femmes. Christophe Girard a été vilipendé par ces derniers pour avoir par le passé ponctuellement aidé ou appuyé des aides en faveur de l’écrivain Gabriel Matzneff, accusé de pédophilie. Dans cette affaire, l’élu parisien, ancien dirigeant de la maison Yves Saint-Laurent, n’a com- mis aucun délit et plaidé la naïveté quant à sa connaissance des méfaits de Matzneff. Se disant « écœurée », Anne Hidalgo entendait saisir la justice pour les « graves injures publiques » proférées.
Cette démission est en tout cas le nouvel épisode – sans doute pas le dernier – d’un bras de fer entre ceux qui estiment que les mouvements féministes en font trop, bafouant la présomption d’innocence et s’érigeant en censeur moraliste, et ceux qui trouvent normal que les femmes, trop longtemps réduites au silence, donnent enfin de la voix pour ne plus rien laisser passer, des comportements machistes au harcèlement de rue, des humiliations en entreprises aux violences physiques à domicile dont certaines conduisent aux féminicides. La nomination au ministère de l’Intérierur de Gérald Darmamin, accusé de viol, et celle à la Justice d’Eric Dupond-Moretti, contempteur du mouvement de libération de la parole des femmes victimes MeToo, ont, à cet égard, jeté un trouble légitime et questionnent sur la volonté du gouvernement de réellement conduire une politique en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Car dans beaucoup de ces affaires, si la question judiciaire est évidemment importante – qui pourrait s’op- poser en démocratie au respect du principe de la présomption d’innocence ? – elle ne saurait être la seule dimension qui vaille. Il y a aussi la force des symboles, la nécessité de restaurer l’exemplarité républicaine et d’afficher des preuves concrètes en faveur de l’égalité homme-femme, ou encore le toujours délicat exercice, pour les responsables politiques, de trouver le juste équilibre entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Au final, ces affaires nous interrogent tous sur la société que nous voulons construire pour demain. Les mouvements féministes radicaux – les Femen hier, de jeunes mouvements agiles sur les réseaux sociaux aujourd’hui – veulent accélérer pour enfin dépasser les tergiversations, quitte à choquer ou à tomber dans le buzz du moment. Mais l’histoire a montré que les coups d’éclat peuvent ouvrir des pistes, secouer les consciences et bousculer les statu quo. À condition qu’ensuite, on parvienne à rassembler, à entraîner l’ensemble de la société, femmes ET hommes, pour arriver à l’égalité réelle.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 28 juillet 2020)