En se portant au secours d'un enfant suspendu dans le vide depuis le balcon du 4e étage d'un immeuble du XVIIIe arrondissement de Paris, Mamoudou Gassama est devenu depuis ce week-end un héros.« Le courage est la première des qualités humaines car elle garantit toutes les autres », disait Aristote. Et c'est bien de courage physique dont a fait preuve ce jeune Malien sans papiers de 22 ans. Au péril de sa vie, il s'est engagé spontanément, pleinement, totalement, pour en sauver une autre. En cela, il redonne au mot héros – demi-dieu en grec – son véritable sens, hélas trop souvent galvaudé, notamment par d'insipides émissions de téléréalité.
Car il y a bien une part de héros mythologique en Mamoudou Gassama : ses dons exceptionnels d'acrobate lui ont attiré le surnom de Spiderman, super-héros par excellence. Mais il y a surtout une part de héros moderne, celle d'un homme désintéressé qui parvient à vaincre un péril pour accomplir une action altruiste que d'autres, par peur en général, par lâcheté parfois, seraient bien en peine de réaliser.
Ces héros du quotidien – dont certains resteront inconnus de tous – sont des adolescents qui portent secours à une personne en train de se noyer, des hommes ordinaires qui bravent les flammes d'un incendie pour sauver une famille d'une mort certaine. Ils retourneront bien souvent à l'anonymat avec l'admiration de leur village ou de leur quartier, parfois décorés de la médaille du courage et du dévouement. Parce qu'ils ont été sur le chemin de l'Histoire, certains resteront imprimés plus longtemps dans nos mémoires, comme Lassana Bathily, l'employé héroïque qui parvint à cacher des otages lors de l'attaque de l'Hyper Cacher en janvier 2015 à Paris, ou Frank Terrier qui, sur son scooter, tenta d'arrêter le terroriste au volant du camion fou qui allait endeuiller la promenade des Anglais à Nice dix-huit mois plus tard. Enfin, il y a les héros qui resteront à jamais dans la mémoire nationale, comme le colonel Beltrame qui a donné sa vie pour sauver une otage de l'attaque terroriste du Super U de Trèbes. Mamoudou Gassama rejoint cette légion d'honneur de tous ceux qui, un jour, ont fait preuve d'un courage exceptionnel et d'une force morale admirable.
Mais l'acte héroïque de Mamoudou Gassama est plus singulier encore car il couronne un parcours marqué par le malheur pour en faire un destin. Celui d'un adolescent malien qui fuit la misère de son pays, transite entre le Niger, le Burkina-Faso et la Libye où il subit des brimades, traverse la Méditerranée dans les conditions que l'on imagine et arrive en France en septembre dernier avec tous ceux qu'on appelle « migrants ». Son histoire personnelle, qui va s'achever par une naturalisation française saluée par toute la classe politique, rappelle que les migrants sur lesquels certains jettent des anathèmes ne sont pas que des chiffres dans les statistiques d'asile et immigration. Ce sont avant tout des hommes. Et parmi eux, certains peuvent être des héros.
(Éditorial publié dans La Dépêche du Midi du 29 mai 2018)