Le château de Versailles plusieurs fois évacué, des établissements scolaires partout en France et une quinzaine d’aéroports subissant le même sort après des alertes à la bombe qui mobilisent de multiples services de secours et de sécurité, et perturbent la vie du pays. Une semaine après l’assassinat terroriste du professeur Dominique Bernard – dont on célébrait hier le courage lors de ses obsèques – la France se retrouve mise à l’épreuve avec ces multiples alertes qui toutes, heureusement, se sont révélées fausses. Les auteurs « seront retrouvés » et « punis », a averti le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, fustigeant des « petits guignols qui s’amusent ».
En attendant de remonter jusqu’aux auteurs pour les sanctionner aussi durement que le prévoit le Code pénal, les services de l’État sont contraints de prendre toutes ces alertes au sérieux, fussent-elles des blagues de très mauvais goût, car la menace terroriste, elle, est bien réelle. Les jihadistes qui ciblent la France depuis l’étranger doivent d’ailleurs se réjouir de trouver dans les « petits guignols » leurs idiots utiles, des complices de circonstance qui, pour le buzz, ne se rendent même pas compte qu’ils participent à déstabiliser la France dans un moment tragique.
Ces alertes, ces évacuations angoissantes, cette paralysie pour quelques heures ici d’un aéroport, là d’un lycée ou d’un musée, contribuent, en effet, à créer un climat anxiogène qui, ajouté aux événements terribles qui se jouent au Proche-Orient, à l’attentat d’Arras ou à celui de Bruxelles, pèse sur le moral des Français. Face à la menace terroriste, 84 % d’entre eux sont inquiets selon un sondage Elabe paru mercredi et 61 % des parents d’élèves craignent que l’établissement scolaire de leur enfant soit la cible d’une attaque terroriste. Mais surtout, plus de 4 Français sur 10 (43 %) ont l’intention de changer leurs comportements s’agissant de leur vie quotidienne. Renoncer à assister à de grands évènements, à faire du tourisme dans certaines grandes villes, à aller dans les restaurants et les bars, à fréquenter les salles de spectacle ou de cinéma, à moins prendre les transports en commun… : autant dire renoncer à tout ce qui fait une vie libre et qu’abhorrent les jihadistes.
À ces craintes légitimes, il faut répondre par un sang froid collectif, politique et citoyen, pour que la peur ne gagne pas les esprits ; à ces menaces terroristes, il faut opposer la force de notre unité et de nos valeurs. Il faut « faire bloc », comme l’a demandé Emmanuel Macron, et comme les Français ont toujours su le faire à de multiples reprises, depuis les attentats des années 80 jusqu’à celui d’Arras. Faire bloc ne signifie pas ignorer ou minimiser la menace mais être vigilant, ensemble, au-delà de nos divergences, pour surmonter la gravité du moment. Faire bloc pour être à la hauteur, comme l’a été Dominique Bernard. Faire bloc car, comme le disait Churchill, « la peur est une réaction, le courage est une décision ».
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 20 octobre 2023)