Ce n’est pas la première fois que le secteur de l’élevage est touché par une crise sanitaire d’origine animale. On se souvient tous de la maladie de la vache folle dans les années 1990, des images de vaches tremblantes et ne tenant plus debout, et de l’angoisse qui avait saisi l’opinion. Cette encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) avait alors provoqué un effondrement de la consommation de viande bovine, après la découverte de sa transmission possible à l’homme sous la forme d’une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Des mesures strictes avaient alors été prises par les autorités pour éradiquer l’épidémie, comme l’interdiction des farines animales ou l’abattage systématique des troupeaux contaminés, très douloureux pour des éleveurs attachés à leurs bêtes.
Aujourd’hui, avec la maladie hémorragique épizootique (MHE), la situation est toutefois très différente, mais tout aussi préoccupante. Cette maladie virale, transmise par des moucherons piqueurs, qui provoque de la fièvre, des ulcérations, des boiteries et parfois la mort chez les animaux infectés, est une maladie émergente, dont l’origine et l’évolution sont, d’évidence, liées au changement climatique. En effet, on le sait désormais, le réchauffement de la planète favorise la prolifération et la dispersion des insectes vecteurs de maladies, qui peuvent ainsi coloniser de nouvelles zones géographiques. C’est ce qui s’est passé avec la MHE, qui était présente essentiellement en Afrique et en Asie, et qui a atteint l’Europe l’année dernière avant de se diffuser rapidement, en France notamment dans le Sud-Ouest. D’autres maladies animales, comme la fièvre catarrhale ovine ou la peste équine, sont également susceptibles d’être influencées par les modifications climatiques selon les scientifiques.
À la différence de ce qui s’est passé avec maladie de la vache folle qui a pu atteindre l’homme, la MHE n’est pas contagieuse pour l’homme, mais elle représente clairement un nouveau risque économique et social pour les éleveurs et les consommateurs. Face à ce défi sanitaire et environnemental, il est nécessaire d’adapter les stratégies de prévention et de lutte contre les maladies animales. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande notamment de renforcer la surveillance épidémiologique et écologique, d’améliorer la connaissance des réservoirs et des vecteurs des maladies, et de développer la recherche et la coopération internationale. Il faut également sensibiliser les éleveurs et les vétérinaires aux signes cliniques des maladies émergentes, et leur fournir les moyens de protéger leurs animaux. Enfin, des aides financières pour les éleveurs touchés, comme le réclament la Coordination rurale et la Confédération paysanne, paraissent fondées.
La MHE nous rappelle en tout cas que nous sommes tous interdépendants. La santé des animaux est intimement liée à celle des hommes et à celle de la planète, comme le rappelle le concept One Health (une santé). Derrière ce terme, apparu il y a une vingtaine d’années, se trouve la prise en compte de l’interdépendance entre les santés humaine, animale, végétale et la protection de l’environnement. Lutter pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences néfastes sur la biodiversité et les systèmes alimentaires apparaît dès lors comme un enjeu majeur pour notre avenir.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 octobre 2023)