Accéder au contenu principal

Une vie de courage

Simone Veil à son bureau en 1974. / Photo AFP


À l'heure où l'Europe se déchire sur les migrants, déstabilisée par sa propre inhumanité, oubliant les valeurs sur lesquelles elle s'est construite et les raisons de son édification après la Seconde Guerre mondiale, la France rend hommage ce dimanche à l'une des plus ferventes européennes en l'accueillant au Panthéon. Simone Veil, dont l'histoire personnelle a épousé son siècle, a toujours fait preuve de ce qui, aujourd'hui, fait cruellement le plus défaut à l'Europe : le courage. Ce courage – c'est-à-dire « tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort » selon Albert Camus – qui aura, d'évidence, marqué chaque étape de la vie de Simone Veil.

Courage de la belle lycéenne aux yeux bleus, arrêtée à Nice en 1944 à l'âge de 16 ans et déportée à Auschwitz avec sa sœur Madeleine et sa mère Yvonne, qui succombera après la terrible Marche de la mort vers Bergen-Belsen.

Courage de la jeune femme qui surmonta les corsets sociaux d'une époque cantonnant les femmes dans leurs foyers, pour embrasser en 1956 une carrière de magistrate, où son sens de la justice et de l'éthique la conduisit jusqu'au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature.

Courage de la jeune ministre de Valéry Giscard d'Estaing qui porta – qui incarna même – en 1974 la loi légalisant l'avortement, supportant les injures odieuses de l'extrême droite et, jusqu'aux larmes à l'Assemblée nationale, les attaques abjectes venant même de son propre camp.

Courage de la femme politique qui a très tôt acquis la conviction de l'importance d'une Union européenne pour préserver la paix d'un continent meurtri par deux Guerres mondiales, et qui fut élue en 1979 à la présidence d'un si jeune Parlement européen.

Courage, enfin, de la rescapée des camps de la mort, qui revint en 2004 sur les lieux de son supplice pour transmettre son histoire et la mémoire de la Shoah à cinq de ses petits-enfants, et par extension aux Français, dont elle était devenue l'une des personnalités préférées et qui sera l'une de leurs immortelles en 2010 à l'Académie française.

Lorsqu'en 1964, André Malraux accueillit les cendres de Jean Moulin au Panthéon, il termina son oraison funèbre, en exhortant la jeunesse de France à penser à cet homme, comme elle aurait « approché ses mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France… » En ce dimanche de juillet, Simone Veil s'apprête à reposer près du grand résistant. Aujourd'hui, elle est le visage de la France.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 1er juillet 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...