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La peine et la faute



En rejetant la demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage, le tribunal d'application des peines de Melun a provoqué la consternation et suscité l'incompréhension. La consternation, parce que nous attendions tous que cette femme au destin tragique, marqué par 47 années de violences conjugales, puisse recouvrer la liberté. L'incompréhension, parce que les arguments des juges pour son maintien en prison apparaissent bien spécieux, comme peuvent l'être des leçons de morale. Jacqueline Sauvage n'aurait pas suffisamment intégré son degré de culpabilité ? Libérée, elle serait encouragée par ses soutiens à se cantonner à un positionnement exclusif de victime ? Enfin, elle ne pourrait revenir vivre chez sa fille non loin des lieux de son crime ? Qui peut le croire ? Qui peut l'entendre ?

En rendant hier une telle décision, le tribunal va aussi à l'encontre de la grâce partielle présidentielle, qui traduisait, après une mobilisation populaire sans précédent, la reconnaissance équilibrée de la culpabilité pénale et de la souffrance de cette femme devenue un symbole. Alors que les Français se défient trop souvent de la justice qui est rendue en leur nom, les juges feraient bien de relire Montesquieu. «La justice consiste à mesurer la peine et la faute ; et l'extrême justice est une injure». Hier, les 400000 femmes victimes de violences conjugales et ceux qui les soutiennent ont vécu le maintien en détention de Jacqueline Sauvage comme une injure.

(Publié dans La Dépêche du 13 août 2016)

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