La polémique pour savoir si une chaîne du service public – d'évidence en manque d'audience et de buzz – devait faire de Marine Le Pen, chef de parti mais surtout candidate aux prochaines régionales, son invitée vedette hier soir, aurait pu être accessoire si elle ne mettait au jour la conception très particulière qu'a le Front national des médias et du débat public.
Dans la lignée de son père Jean-Marie qui fustigeait l' «établissement» et la «caste» journalistique, Marine Le Pen et sa garde rapprochée n'ont de cesse de se poser en martyrs d'un système médiatique qui les ostraciserait, d'une pensée unique dont ils subiraient la censure, de journalistes qui déformeraient leurs propos… Une posture qui ne résiste pas à l'examen des faits. Car à l'instar des chantres du déclinisme comme Éric Zemour ou Alain Finkielkraut, les personnalités frontistes occupent très largement, et depuis longtemps, l'espace médiatique, des matinales radios aux plateaux de télé, en passant par les réseaux sociaux et les Unes de certains magazines. Ils ont tout loisir d'y développer leurs idées avec toutefois une constante : le refus systématique du débat démocratique et de la contradiction qui pourraient démonter bien des contrevérités qu'ils assènent…
Dans un mouvement de fascination-répulsion envers les médias, Marine Le Pen voudrait choisir, comme hier, et les questions, et les journalistes et ses contradicteurs. Depuis Camus, on sait que «la liberté de la presse est l'un des visages de la liberté tout court». En affichant sa conception de la liberté de la presse, on imagine bien ce que pense le FN de la liberté tout court…
(Publié dans La Dépêche le 23 octobre 2015)